Merci à Yves Hulot de la liste l_escape d’avoir déniché cette perle.
Les emphases sont de mon fait.
La chanson, comment on la fabrique
Nous savons fort bien quelle est l’attitude du commerçant vis-à-vis de l’ “ artiste ”. Vous avez lui dit-il en substance, la chance d’avoir du talent. Nous n’avons que celle d’avoir de l’argent. Contentez-vous de votre talent et laissez-nous l’argent.
Le malheur, c’est que nos bons commerciaux, livrés à eux-mêmes, n’ont rien à vendre qu’un peu d’organisation ou qu’une connaissance de la loi qui leur permet de s’y reconnaître dans le maquis des affaires.
Nous sommes absolument d’accord avec les commerçants : il est plus intéressant de créer que de vendre ; ce qui explique évidemment pourquoi les vendeurs sont mieux payés que les créateurs. Et , heureusement, lorsque l’on fait aux commerçants la concession de leur laisser l’argent, ils se détournent parfois de la fabrication. Je dis heureusement car il est rare qu’ils aient du goût. On s’en aperçoit très vite dans une maison d’édition lorsqu’on laisse le commercial prendre le pas sur l’artistique… chose absolument étrange, le commercial oublie toujours qu’au départ de son commerce, il y a la création ; et il s’ingénie souvent à brimer ce qu’il fait naître.
Bien sûr, c’est très général…ce n’est pas spécial à la chanson. Mais si, dans tous les domaines, le commercial se montre, de nos jours si agressif par rapport au bureau d’études, c’est que le bureau d’études s’apprête à lui porter, dans l’avenir, un coup dont il ne se relèvera pas. Car le commercial est un de ces secteurs qui ne pourront pas échapper à l’automation. Rien de plus aisé à concevoir, si c’est provisoirement cher à réaliser, qu’une distribution automatique des biens de consommation. Le commerçant fait bien de profiter de son reste ; quoi qu’il puisse apparaître aujourd’hui, c’est lui la branche du secteur économique qui est appelée, tôt ou tard, à être tranchée. pp 44-45
“En avant la zizique… et par ici les gros sous” écrit en 1958 par Boris Vian
Pas forcément d’accord sur la future disparition du commercial. Autant il est probable que l’industrie musicale telle qu’elle existe aujourd’hui (CD) est condamnée à plus ou moins long terme, autant je crois qu’il y aura toujours besoin de "filtres" pour que le public s’y retrouve. Je ne juge pas ici la qualité de ces filtres qui laissent passer la musique que je n’apprécie pas, c’est un autre débat. Mais si l’industrie parvient à conserver ce rôle pour la grande majorité du public elle gardera une place prépondérante. La profusion de musique et d’artistes pose un problème de tri car la qualité et la non-catégorisation des styles sont trop anarchiques pour qui veut écouter de la musique sans se perdre.
En face il y a les systèmes coopératifs, auto-organisés, le tagging et tout, mais l’industrie sait récupérer ces outils (Apple le fait sur Itunes avec les playlists).
Et puis diffuser la musique demande une promotion qui peut exiger d’importants investissements hors de portée des artistes, même s’ils ont du talent. Je crois au rôle des agents/industriels pour permettre l’émergence d’artistes de qualité (Björk, les Red Hot, je sais pas ce que vous aimez), même si c’est en marge d’une "soupe" qui vous déplaît.
Donc ne l’enterrons pas trop vite et trouvons des formes alternatives de structuration de la production musicale.
Merci pour tes remarques qui sont tout a fait pertinente.
Il est frappant de voir comme il y a 50 ans Boris Vian percevait déjà un certain nombre de choses qui se déroulent aujourd’hui sous nos yeux.
Oui, la problématique était déjà en place.
N’empêche que 50 ans plus tard, ses propos un peu utopistes sont les mêmes qu’on retrouve dans la bouche de nombreux opposants à la loi DADVSI. Si le combat est le même, c’est que le "commercial" n’a toujours pas succombé à la disparition que Boris lui promettait.
La révolution n’a donc pas encore eu lieu.
(ce qui ne veut pas dire qu’il faut arrêter le combat)