Une redevance pour légaliser les échanges P2P: bonne ou mauvaise idée?

Une redevance pour légaliser les échanges P2P: bonne ou mauvaise idée? Pierre Chappaz pose la question sur son blog voici ma réponse.

J’annonce la couleur: très très mauvaise idée.

Une redevance pour légaliser les échanges P2P: bonne ou mauvaise idée? Pierre Chappaz pose la question sur son blog voici ma réponse.

J’annonce la couleur: très très mauvaise idée.

Le même problème est apparu avec les cassettes audio enregistrables et la solution (une taxe sur les supports) a relativement bien fonctionné.[1]

Donc plusieurs personnes pensent qu’il serait judicieux d’appliquer la même recette à un problème en apparence similaire. Le problème c’est qu’entre temps il s’est passé un truc: la révolution du numérique… Les casettes audio, la radio ça permet uniquement de transporter des sons. C’est l’une des limites de l’analogique. Le numérique bouleverse tout cela : musique, vidéo, voix, jeux, programme, dessin… tout devient information et est traité/transporté de la même façon.

Donc en taxant l’accès Internet on ne taxe pas seulement les gens qui télécharge de la musique mais tous les usages de l’Internet et comme de plus en plus de chose se font par Internet autant rajouter directement un point à la TVA et affecter les recettes supplémentaires au financement de la culture.

Le premier problème d’une telle loi est donc son injustice. Si cette loi passe voici ce que cela donne :

  • -J’utilise Internet pour chatter avec des amis => je donne des sous à Britney Spear
  • -J’utilise Internet pour télécharger une distribution linux libre => Je donne des sous à Madonna
  • -J’utilise Internet pour télécharger illégalement un jeu vidéo => Je finance Laam
  • -J’utilise Internet pour critiquer cette loi inepte => je fais grossir le business de Pascal Nègre !!
  • -J’achète en ligne un morceau de musique sur itunes => Je paye une 2eme fois grâce à la taxe et une 3eme fois car j’ai aussi payé une taxe sur mon lecteur mp3, et une 4eme avec la taxe pour la copie privée sur les CD que j’utilise pour sauvegarder mes données perso…
  • -Je télécharge légalement un morceau de musique libre sous creative commons => l’artiste à l’origine de cette œuvre non enregistré à la Sacem ne verra pas un centime de ce que j’aurais versé au titre de la taxe.
  • -…

Mais ce n’est pas tout, en plus de pénaliser le développement des TIC cette loi aurait un effet pervers désastreux pour la musique. Ca sauverait peut-être l’industrie du disque mais ça détruirait sans aucun doute la création musicale : Le chiffre d’affaire des maisons de disque ne dépendrait plus de la qualité de leur production (et de leur service marketing) mais serait indexé sur le chiffre d’affaire d’une autre industrie celle des fournisseur d’accès Internet. Je ne sais pas vous mais cela me parait totalement ridicule. Dans ces conditions quel intérêt pour les maisons de disque de produire un nouvel artiste ? Ils auront plutôt intérêt à chercher la meilleure manière de truquer les sondages permettant de calculer la répartition des recettes…

Et encore une fois pourquoi une taxe sur les TIC servirait elle à payer les artistes et les maisons de disque mais pas les acteur et les producteurs de film ? Et pourquoi les producteurs de contenu n’auraient-ils pas une part du gâteau ? Après tout vous vous servez d’Internet pour venir sur ce blog, si l’Internet est taxé je réclame 0 ,00000000001% des revenus !! A mon sens si il doit exister une taxe sur les TICs elle ne peut servir à financer qu’une seule chose : réduire la fracture numérique. Mais certainement pas financer une industrie qui refuse d’évoluer avec son temps. Il faut arrêter de chercher des solutions dans le passé, la révolution du numérique est une réalité, il faut innover, ne plus penser en terme de possession mais d’accès (Rifkin). Mais tout cela ce n’est pas la première fois que j’en parle voir le tag musique et plus particulièrement ce billet nouveaux modèles économiques.

Notes

[1] Quoi que… On constate que la répartition des recettes est extrêmement opaque et profite principalement aux “gros”.

6 thoughts on “Une redevance pour légaliser les échanges P2P: bonne ou mauvaise idée?”

  1. Bon alors moi je suis :
    1.- favorable à une dépénalisation complète des échanges de contenus audiovisuels entre particuliers,
    2.- assez d’accord pour indemniser les ayant droits de manière raisonnable, par exemple moyennant une taxe de quelques euros par mois sur mon abonnement à Internet.

    J’aimerai bien pouvoir obtenir le 1 sans le 2 mais je n’y crois pas.

    Actuellement des millions de personnes se trouvent dans une insécurité juridique totale, risquant des peines prévues pour le grand banditisme : acte de contrefaçon = 3 ans de prison et 300000 EUR d’amende (deux millions de francs pour ceux qui ont du mal) (cf note 1).

    Qui veut risquer ça pour lui ou pour ses enfants ? Pas moi.

    Les seules solutions qui s’ouvrent à moi sont :
    – descendre dans la rue pour exiger l’abrogation des lois sur la propriété intellectuelle, ou
    – accepter un compromis avec les autres parties en faisant des concessions réciproques. (cf note 2)

    Je ne crois pas que la première solution soit envisageable ni même souhaitable, il y a quand même des problèmes autrement plus graves à résoudre en France avant celui qui nous occupe ici.

    Reste la seconde solution : faire accepter la licence légale. Et le fait qu’elle soit a priori refusée aussi bien par les internautes que par les majors est plutôt un bon signe de compromis, non ?

    Maintenant si tu as une autre solution à proposer, solution qui supprime l’insécurité juridique des millions d’internautes qui utilisent en toute bonne foi le P2P pour échanger abusivement des contenus protégés par le droit d’auteur, vas y. Propose.

    Note 1 : un certain nombre de gens prétendent que l’échanges de fichier relève de l’exception de copie privée et n’est donc pas un acte de contrefaçon. Pour la partie "dowload", c’est quelque chose qui se défend. Pour la partie "upload" c’est à mon avis du n’importe quoi et JE ne prendrai pas le risque de plaider cela devant quelqu’un qui peut me délester de 300000 euros et m’envoyer au trou pour 3 ans.

    Note 2 : Merci de ne pas troller sur les autres options du genre « regarde La Petite Maison dans la Prairie sur M6.

  2. Merci Philippe d’alimenter le débat.

    Tu soulèves un point très important dont je n’ai pas parlé: l”insécurité juridique dans laquelle nous somme tous. (qui n’a jamais contourné la protection contre la copie d’un cd?)
    Et je suis d’accord avec toi pour dire que c’est le problème n°1 à régler: donc oui à la dépénalisation complète des échanges de contenus audiovisuels entre particuliers.

    On est aussi d’accord sur le fait que sans revenu pour les ayants droits ce premier point n’a pas beaucoup de sens.

    Là où l’on est plus d’accord: c’est sur la manière de financer ce revenu. Une nouvelle taxe c’est rester dans l’ancien système avec tous ces défauts. Profitons plutôt des bouleversements apporté par les TICs pour mettre en place quelque chose de nouveau, de plus juste, qui profite au public comme aux artistes. C’est la grande caractéristique des TICs ils permettent de nouvelles formes d’organisation. Ce n’est pas uniquement la gratuité qui fait le succès des réseaux P2P "pirate" mais le fait qu’ils exploitent les nouvelles formes d’organisation rendues possibles par les TICs. Tan que les acteurs de l’industrie musicale n’auront pas compris cela ils n’auront qu’un seul choix: s’appuyer sur un état de plus en plus policier pour ne pas disparaître.

  3. Aurel, tu nous dis que tu n’es pas d’accord, mais tu ne nous dis pas ce que tu proposes …

  4. Ta réflexion est intéressante mais elle ne concerne que les auteurs qui souhaitent partager *volontairement* leurs oeuvres.

    Elle ne dit rien sur les millions (milliards ?) d’oeuvres partagées *abusivement* par des utilisateurs qui n’ont pas spécialement le droit de le faire.

    Pour eux, tu penses que la prison reste la bonne solution et tu n’es pas prêt à céder un pouce de terrain ?

  5. Je pense que la loi devrait faire la différence entre la contrefaçon: copier et revendre et le partage permis par les TIC. Les artistes devraient gagner leur vie autrement qu’en vendant des rondelles de plastique.

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