Medianet est un programme de recherche portant sur l’échange de contenu sur les réseaux numérique.
Le premier rapport issu de ce programme était une catastrophe : il proposait de taxer l’upload pour résoudre le “problème” du piratage par Internet ! A lire le commentaire de la FING sur ce projet
Voici un 2eme rapport issu de la même équipe : analyse économique des DRM
Celui-ci est bien plus intéressant, l’analyse des DRM d’un point vu économique étant riche d’enseignement. Le but de ce billet est d’extraire les nombreuses bonnes idées de ce rapport, mais aussi de mettre en avant et de démonter une hypothèse douteuse…
Le rapport s’appuie sur des principes économiques pour justifier les DRM, désolé si ce n’est pas très précis, je ne suis pas économiste.
– Le principe de non rivalité : la consommation d’un bien par un acteur ne réduit pas la quantité restant disponible pour les autres. Par exemple, une information est non rivale. La musique sous forme numérique n’est rien d’autre qu’une information, elle est donc non rivale.
– Le principe de non-exclusion : L’impossibilité d’interdire à quelqu’un la consommation d’un bien même s’il ne paye pas pour ce bien. Encore une fois, une information, si elle n’est pas secrète, est non exclusive, tout comme la lumière d’un phare.
– L’incitation à l’innovation : Les créateurs ne sont pas incité à créer des biens non-rivaux et non-exclusif car ils ne peuvent y attendre aucun retour sur investissement.
Les réseaux P2P fournissent des fichiers numériques non rivaux et non exclusifs. Par conséquent ces réseaux détruisent l’incitation à l’innovation dans le domaine culturel.
Les DRM permettent de faire disparaître ces propriétés de non rivalité et de non exclusion d’un fichier numérique. Avant l’ère numérique cette fonction était remplie par le support physique : la cassette audio, le CD… Ces supports physiques sont un moyen de créer de l’exclusion et de la rivalité (=> de la rareté) sur des biens culturels en les associant avec des bien exclusifs. Mais le support physique ne se contente pas de rendre le bien exclusif, il sert aussi au transport de l’information. A l’opposé Les DRM n’ont pas d’autre utilité ou valeur ajouté pour le consommateur que de rendre le bien exclusif pour le faire payer. Afin d’assurer la survie de l’industrie culturelle, le développement des DRM est indispensable.
Le raisonnement est intéressant mais il repose sur une hypothèse très douteuse :
Ce serait l’appât du gain qui inciterait la majorité des artistes à créer.
La diffusion à moindre coût de plus de bien numérique ne tue certainement pas la créativité bien au contraire. Les DRM n’ont donc aucune utilité pour les artistes et le publique. Ils servent uniquement à remplir les poches des distributeurs.
Si m’a démonstration n’est pas des plus claires, ce qui est fort possible, il se fait tard 😉 Lisez Downloading kills the radio star qui expose brillamment et plus en détail ces mêmes concepts (merci Cyril pour le lien).
Le rapport ne se limite pas ma courte présentation et contient vraiment beaucoup d’information qui m’ont semblé intéressantes. Je retranscris ci-dessous celle qui ont le plus retenues mon attention afin d’en garder une trace et de les partager avec vous. Attention il s’agit d’une traduction/ reformulation rapide des idées présentes dans le rapport. Si vous voulez approfondir lisez le rapport (60 pages). Les phrases en italique ne proviennent pas du rapport mais sont des remarques personnelles.
L’effet réseau : La valeur de certains biens augmente avec le nombre d’utilisateur de ce bien : c’est pour cela que vous avez certainement un téléphone portable. Howard Rheingold l’auteur de Smart Mobs va encore plus loin et parle de l’effet réseau social. L’effet réseau est décuplé s’il se déroule dans le cadre d’un groupe social (que tout ceux qui possèdent un ipod lève la main)
L’effet réseau est primordial au succès des DRM, et l’interopérabilité est un préalable au déclenchement d’un effet réseau.
A l’époque de l’apparition du magnétoscope celui-ci a connu les mêmes critiques que le P2P aujourd’hui. Jack Valenti, président de la MPAA (motion picture american association) déclarait : « le magnétoscope est à l’industrie du cinéma et au publique américain ce que l’étrangleur de Boston est à la femme seule ». Oui, vous l’avez reconnu, Jack Valenti s’est réincarné en Pascal Négre.
Le terme de piratage est souvent utilisé pour désigner 2 phénomènes bien distincts : Le piratage commercial et le piratage non commercial, le premier est le plus souvent le fait d’organisations criminelles cherchant à en tirer profit, le second est celui que nous pratiquons tous.
La dématérialisation des biens culturels a beaucoup plus d’effet sur le “piratage” non commercial. Avant le numérique, échanger un disque avec la famille ou des amis signifiait se rencontrer physiquement (ou utiliser la poste), prêter l’objet ou le copier. La copie analogique impliquant une perte de qualité. Le numérique en rendant obsolète le prêt et le besoin de se rencontrer a considérablement fait baisser les coûts de transaction de ce type d’échange et les as rendu bien plus attractif.
Dans un sens le P2P et autant un concurrent des moyens de diffusions légaux que du piratage à but commercial.
Les distributeurs de contenu utilisent des stratégies de discrimination de prix pour maximiser leurs profits. Par exemple, un livre avec une couverture cartonnée et sa version de poche ou pour les films : la chronologie des médias.
Les DRM sont comparable aux supports physique concernant leur rôle d’exclusion mais ils doivent faire face à nouveau type de produit de substitution : les fichiers gratuits sur les réseaux P2P.
Les réseaux de type broadcast (radio, télévision, câble) ont un avantage par rapport à l’Internet pour les distributeurs de contenu : ils séparent clairement l’accès du control de la copie.
Dans le cas Betamax VS VHS, le VHS a gagné car le Betamax proposait des cassettes de 1H, alors que le VHS avec ses 2H permettait d’enregistrer en entier des films…
Dans une guerre des standards le gagnant n’est pas forcément le meilleur mais celui qui déclenche le premier un effet réseau.
Le marché de la musique n’est pas le même que celui de la vidéo. Alors qu’un morceau de musique est destiné à être écouté de nombreuses fois éventuellement sur des équipements mobiles, les films sont rarement visionnés plus de 2,3 fois et principalement sur un écran résidentiel.
Merci pour cet article très instructif.
J’ai lu l’article d’Olivier BOMSEL sur l’économie numérique et relative au rapport dont vous parlez(http://www.neteco.com/article_20... et votre résumé, loin d’être brumeux, synthétise de façon limpide ce qu’on pourrait appeller l’axiomatique servant à justifier les DRMs d’un point de vue économique.
Comme vous le notez fort bien dans votre courte critique de cette axiomatique, tout repose sur l’hypothèse de l’incitation à l’innovation selon laquelle les créateurs ne sont pas incité à créer des biens non-rivaux et non-exclusif s’ils ne peuvent y attendre aucun retour sur investissement.
En effet l’existence de bien non-rivaux et non-exclusif ne saurait être condamné en soi, et constitué un argument socialement valable puisque cela reviendrait à condamner en soi une économie de l’abondance.
L’axiome de l’incitation à l’innovation est donc bien la seule justification sociale de la volonté de rétablir par la force une économie de la rareté des biens culturels.
Comme vous l’indiquez, l’hypothèse néanmoins est fragile et voudrait un peu abusivement convaincre que l’artiste fut de tout temps une sorte de chef d’entreprise, qui sans la perspective d’un profit de son entreprise, ne créérait jamais rien.
Ca me rappelle l’expression d’écono-nain pour désigner les économistes présentant une vision étriquée de l’être humain et ce type d’hypothèse sur la rationnalité économique de l’être humain, et l’impossibilité de comprendre des productions libres. (voir, en français, emoglen.law.columbia.edu/…
Pourtant, pour reprendre un bon mot d’un article récent du Monde diplomatique sur les logiciels libres, "et pourtant ils tournent" ! (http://www.monde-diplomatique.fr...
J’ai deux questions à vous poser pour finir :
1) pensez-vous que cette axiomatique utilisée ici par Olivier Bomsel puisse être considérée comme l’expression d’une pensée générale des défenseurs des DRMs ?
2) s’ils ne fait pas de douter qu’un artiste individuel puisse avoir d’autre incitation à créer que la recherche du profit, et si les logiciels libres montrent que la même chose est possible pour des productions sociales où coopèrent un grand nombre d’individu, pensez-vous que puisse ce développer aussi ce mode de production sociale pour réaliser des oeuvres aussi complexes que des films et nécessitant une coopération de nombreux individus, sachant qu’aujourd’hui c’est par l’argent qu’on les fait travailler ensemble à la réalisation d’un film ?
Sic Transit Gloria Mundi…
Ma réponse aux 2 questions