DADVSI: Le traité de l’OMPI de 1997

Bon vous avez fini de tout lire? Pas évident de s’y retrouver. Je vais essayer de mettre le doigt sur le coeur du problème. Pour cela il faut remonter à l’origine. C’est à dire le traité de l’OMPI de 1997.

Bon vous avez fini de tout lire? Pas évident de s’y retrouver. Je vais essayer de mettre le doigt sur le coeur du problème. Pour cela il faut remonter à l’origine. C’est à dire le traité de l’OMPI de 1997.

Le préambule

Lisons tout d’abord le préambule du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur qui expose les intentions du traité (emphase de mon fait)

Désireuses de développer et d’assurer la protection des droits des auteurs sur leurs œuvres littéraires et artistiques d’une manière aussi efficace et uniforme que possible, Reconnaissant la nécessité d’instituer de nouvelles règles internationales et de préciser l’interprétation de certaines règles existantes pour apporter des réponses appropriées aux questions soulevées par l’évolution constatée dans les domaines économique, social, culturel et technique,

Reconnaissant que l’évolution et la convergence des techniques de l’information et de la communication ont une incidence considérable sur la création et l’utilisation des œuvres littéraires et artistiques,

Soulignant l’importance exceptionnelle que revêt la protection au titre du droit d’auteur pour l’encouragement de la création littéraire et artistique, Reconnaissant la nécessité de maintenir un équilibre entre les droits des auteurs et l’intérêt public général, notamment en matière d’enseignement, de recherche et d’accès à l’information, telle qu’elle ressort de la Convention de Berne,

Je retiens 4 points de ce préambule, la manière dont on les interprètes détermine entièrement le point vue que l’on peut avoir sur le projet de loi DADVSI.

  • 1 La reconnaissance de l’incidence considérable des TICs.
  • 2 Le besoin d’apporter des réponses à ces évolutions.
  • 3 La nécessité de maintenir un équilibre entre les droits des auteurs et l’intérêt public général.
  • 4 Le désire de développer et d’assurer la protection des droits des auteurs sur leurs œuvres littéraires et artistiques.

Les points n° 1 et 2 sont des faits il n’y a pas lieu d’en débattre. Mais quelle réponse apporter? On observe 2 types d’approche:

  • – Résistance au progrès et au changement avec une tentative de le contrôler et de le réguler pour le faire rentrer dans des modèles existant.
  • – Accompagnement du progrès et du changement et reconnaissance que l’ampleur des évolutions demande des solutions nouvelles et innovantes.

Concernant le point numéro 3 il pose une question: quel doit être cet équilibre?

  • – Plutôt en faveur de l’auteur
  • – Plutôt en faveur du publique comme le pense Victor Hugo:

« Le livre, comme livre, appartient à l’auteur, mais comme pensée, il appartient – le mot n’est pas trop vaste – au genre humain. Toutes les intelligences y ont droit. Si l’un des deux droits, le droit de l’écrivain et le droit de l’esprit humain, devait être sacrifié, ce serait, certes, le droit de l’écrivain, car l’intérêt public est notre préoccupation unique, et tous, je le déclare, doivent passer avant nous. »

Victor Hugo, 1878 – Discours d’ouverture du congrès littéraire international.

On en arrive au point n° 4 qui est sans doute le plus polémique. Là on ne parle plus d’équilibre juste d’assurer la protection des droits d’auteurs. Deux constations me semblent importantes:

  • – La durée de protection des oeuvres aux Etats-Unis a été allongée 11 fois au cours des 40 dernières années. Tout cela afin que Mickey ne tombe pas dans le domaine public. (quelques détails)
  • – Ces droits d’auteurs sont aujourd’hui le plus souvent transféré à des sociétés. Ne devrait t’on pas plutôt parler de droit des éditeurs et des producteurs? Ces droits doivent-ils être encore renforcés?

Et pour pousser la polémique jusqu’au bout: “Le droit d’auteur est-il une parenthèse dans l’histoire ?
Roger Chartier, directeur d’études à l’EHESS, remet en cause la légitimité du droit d’auteur qui après tout n’est qu’une convention artificielle qui a à peine deux cent ans. La notion de droit d’auteur est ailleurs absente de certaines cultures (chez les Chinois ou les Indous par exemple).

Pour résumer afin de se faire un avis sur le projet de loi DADVSI il est nécessaire de répondre aux questions suivantes:

  • – La réponse aux défis posés par les TICs doit-elle être conservatrice ou innovante ?
  • – Quel doit être l’équilibre entre les droits des auteurs et l’intérêt public général ?
  • – Doit-on défendre les droits des intermédiaires?
  • – Né avec l’invention de l’imprimerie, le droit d’auteur doit-il survivre à l’ère d’Internet ?

L’article 11

Après le préambule passons aux articles du traité, on va juste regarder l’article 11 qui est celui qui pose le plus de problèmes: (emphase de mon fait)

Article 11 Obligations relatives aux mesures techniques

Les Parties contractantes doivent prévoir une protection juridique appropriée et des sanctions juridiques efficaces contre la neutralisation des mesures techniques efficaces qui sont mises en œuvre par les auteurs dans le cadre de l’exercice de leurs droits en vertu du présent traité ou de la Convention de Berne et qui restreignent l’accomplissement, à l’égard de leurs œuvres, d’actes qui ne sont pas autorisés par les auteurs concernés ou permis par la loi.

Cet article pose comme hypothèse de base que l’on va se servir de la technologie (les mesures techniques) pour restreindre ce que l’on peut faire avec une oeuvre. Je pense que c’est à ce niveau que ce situe le fond du problème du débat actuel. Tout découle de cet article 11, en soit la technologie n’est rien, ce qui compte c’est la manière dont on l’utilise. L’OMPI a fait le choix de s’en servir pour restreindre. On peut faire le choix de se servir de la technologie pour ouvrir plus largement l’accès aux oeuvres.

L’autre problème de cet article est qu’il est trop vague:

  • Qu’est qu’une protection juridique appropriée ?
  • Qu’est qu’une mesure technique efficace ?

Selon la définition qui est employé dans les transpositions nationales la loi peut vouloir dire une chose et son contraire. C’est ce qui ce passe actuellement en Europe (voir l’exemple de l’espagne). Le côté vague de l’article a donc un avantage: nos parlementaires on la liberté de rédiger la loi d’une manière qui ne respecte pas la philosophie du traité de l’OMPI: la restriction.

Histoire de me mettre un peu de pression pour vraiment le faire voici les prochains que je compte écrire:

  • – L’EUCD ou la directive européenne sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information…
  • – DADVSI ou le projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.
  • – Comment rénumérer les artistes à l’ère du numérique?

2 thoughts on “DADVSI: Le traité de l’OMPI de 1997”

  1. C’est marrant ce terme de "mesure technique efficace". Je n’avais pas percuté tout l’intérêt de la chose :

    CSS est il une mesure technique efficace ?

    Avant la diffusion de DeCSS : oui il l’était. Mais depuis, le contournement de CSS n’est qu’une formalité aussi transparente pour l’utilisateur que le chargement du driver de son lecteur de DVD.

    Autrement dit la seule personne qui aurait "neutralisé une mesure technique efficace" c’est Jon Johansen. Tous les autres qui utilisent DeCSS ne font que "neutraliser une MTP inefficace" et donc ne sont pas concerné par ce texte.

    De la même manière que tous ceux qui téléchargent du contenu en P2P ne neutralisent aucune MTP puisque les fichiers diffusés en P2P sont sans protection dans 99,9% des cas 😉

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